07 février 2007

«Europe, la machine folle»...

«Europe, la machine folle» : c'est sous ce titre évocateur que L'Express (01.02) revient sur la construction européenne actuelle. Le constat est sans appel : «L'Europe qui se construit à Bruxelles ressemble de plus en plus à un train fou lancé sur une pente vertigineuse».

Bien entendu «la prudence dicterait au moins au conducteur de ralentir la vitesse». Mais «pas du tout : pied au plancher, José Manuel Barroso, le Président de la Commission, fonce tête baissée». Quelle mouche a donc piqué la Commission s'interroge l'hebdomadaire ? Le dogme ! «Le marché est faussé par des monopoles qui font monter les prix. Cassons-les, libéralisons le secteur ; des nouveaux entrants se feront concurrence, et feront baisser les prix». Voilà le vrai «catéchisme» de la Commission. Mais si cette recette a pu réussir dans un secteur tel que les télécoms, pour autant elle n'est pas forcément la bonne dans tous les domaines. Mais qu'à cela ne tienne ! «Si c'est un fiasco, comme dans le secteur de l'énergie», les institutions bruxelloises considèreront que «c'est que l'on n'est pas allé assez loin !». Pourtant «plus personne ne croit à la baisse des prix.

En deux ans, le prix du mégawatt/heure a triplé de 20 à 60 euros pour les industriels, alors qu'EDF demeure le producteur le moins cher du marché européen grâce à son parc nucléaire». Et malgré ce constat amer, «Bruxelles veut maintenant faire sauter les tarifs réglementés qui protègent les consommateurs français, toujours au nom de la libre concurrence».

Mais «pas question de remettre en question le dogme», même si tous les secteurs s'effondrent les uns après les autres. «Après le fret ferroviaire de la SNCF, en train de s'effondrer sous les coups de boutoir d'une concurrence brutale, La Poste est, elle aussi, sur le pied de guerre (...) Et le grand choc approche avec la concurrence totale pour les particuliers, au 1er janvier 2009. Une bombe sociale et politique à retardement». «Le cinéma français tremble aussi». Et dernière cible en date : «les jeux de hasard». «De l'idéologie pure» s'inquiète un dirigeant d'une grande entreprise publique française. Mais comme le rappelle très justement le lobbyiste Stéphane Desselas, directeur d'Athenora Consulting, la logique libérale est inscrite «dans les gènes» de la Commission. Alors, puisque «la feuille de route de la Commission Barroso [peut] tenir sur un timbre-poste» (traque des aides publiques, démantèlement des monopoles, dérégulation), comment s'étonner que l'Europe ait perdu ses repères puisqu'elle n'a plus de «colonne vertébrale». Et l'hebdomadaire de lister les problèmes : «premier problème : la Commission n'a pas vraiment de direction politique». Car «en moins de dix ans, le petit collège de 6 membres est devenu une équipe de 27 commissaires, convertis pour la plupart à la toute-puissance du marché», ce qui fait dire au juriste Antoine Gosset-Grainville qu'«il y a un recul la collégialité et beaucoup moins de cordes de rappel pour éviter les dérives». Des dérives amplifiées par «le pouvoir de l'administration, avec cette caste de 20 000 hauts fonctionnaires polyglottes et cosmopolites». «Ces brillants esprits vivent dans leur bulle, imprégnés de culture libérale, mais complètement coupés de la réalité des entreprises» s'insurge un dirigeant d'une grande entreprise publique française.

Autre problème pointé du doigt par L'Express, et non des moindres : «les lobbyistes, cet univers d'agents d'influence qui font la loi à Bruxelles. Ils seraient au moins 15 000 à graviter autour du Berlaymont [nom du siège de la Commission] où ils entrent comme dans un moulin». Car non seulement «ils font avancer leurs idées et tentent d'influencer les textes de la Commission», mais ils vont même jusqu'à proposer de les rédiger ! Et malheureusement, face à cette toute-puissance, les Français «ont bien du mal à trouver leur place» et vont jusqu'à se contredire : «ils invectivent Bruxelles quand ils sont à Paris, et finissent en général par céder sur tout à Bruxelles» soupire un haut fonctionnaire.

Cette attitude est en effet typique des députés issus des deux grands groupes du Parlement, le PPE (UMP en France) et PSE (PS en France), qui y décident pourtant de la pluie et du beau temps. Et en effet «sur l'énergie, le fret ferroviaire ou La Poste, la France a freiné des quatre fers, avant de tout accepter en bloc. Sans aider les entreprises à se préparer» alors que, comme le souligne un dirigeant français dépité, «voilà dix ans que la Deutsche Post se prépare» ! Idéologie et libéralisme extrêmes de la Commission, incohérence et inconsistance de certains députés français, comment s'étonner que les citoyens aient voté «non» le 29 mai 2005 et ne comprennent plus rien à cette Europe folle !

1 Commentaire(s) :

Le 12:18, Anonymous Anonyme a écrit...

L'article que vous commentez a été publié dans Le Nouvel Oservateur, et non dans l'Express.
FS

 

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