07 octobre 2006

Le mensonge de Bucarest

«Comme tout mensonge, une contradiction passe d’autant mieux qu’elle est énorme», écrit Paul-Marie Coûteaux, membre du Bureau national du MPF, dans le dernier numéro du «Journal de Philippe de Villiers» («Pour la France»). «Principale occasion qui soit donnée à la langue française d’occuper furtivement le devant de la scène, le sommet de la francophonie de Bucarest cache l’une de ces contradictions si béante que nul ne la voit ou n’ose la dire», estime le député européen. «En discourant sur les progrès de la francophonie, on amuse la galerie mais on abuse les Français : il est en effet mensonger de parler de la francophonie tandis qu’en devenant peu à peu un pays bilingue, la France la prive de son socle naturel, au point qu’elle pourrait bientôt ne plus reposer que sur de pauvres discours convenus et vides.»

«Certes, il est beau de faire des gammes sur «le désir de français» qui se manifeste dans tel ou tel pays lointain (et qu’il faut certes encourager), de réunir des chefs d’État en une sorte de Mouvement des non-alignés culturels face à l’uniformisation linguistique de la planète et de consacrer de multiples projets, programmes et crédits publics à l’enseignement du français dans le monde ou à la diffusion de produits culturels francophones. Mais si utile soit-elle, si du moins elle faisait l’objet d’une politique cohérente, la francophonie n’est plus qu’une époustouflante esbroufe dès lors que les gouvernements français abandonnent toute législation linguistique (accusée d’entraver le grand marché unique européen), laissent s’installer l’illettrisme de masse et sacrifient l’enseignement des lettres ou de la simple lecture, tout occupés à promouvoir l’enseignement dès les classes maternelles d’un «anglais de communication internationale» qui entraîne la France dans une dangereuse marche à la diglossie.

Comment en appeler à la résistance linguistique tandis qu’un nombre croissant d’enseignements universitaires sont dispensés en anglo-américain, qu’étudiants, enseignants et chercheurs sont contraints au bilinguisme (ce que réussit à éviter par exemple un pays comme le Japon, dont la langue n’a pourtant nulle vocation internationale) ; comment prôner la diversité quand la seule langue de travail des institutions européennes n’est plus, dans les faits, que l’anglo-américain, et que les administrations françaises sont contraintes de travailler en cette langue aux fins de «coordination européenne» pour se plier à l’américanophonie obstinée de la Commission ?

Comment promouvoir le français quand des services publics entiers comme la défense ne travaillent plus qu’en anglais ou que d’autres, telle l’ANPE, se croient tenus de servir leurs administrés dans les «langues d’origine», témoignant d’un étrange renoncement à la matrice naturelle de la francisation qu’est le français, en sorte que l’article 2 de la Constitution – selon lequel «la langue de la République est le français» – n’est plus, aux yeux de nos partenaires francophones, québécois, arabes, africains ou roumains qu’une dérisoire relique ? «C’est quand la chose manque qu’il faut mettre le mot», disait Montherlant. Certes, mais la francophonie mériterait mieux que d’être un paravent bavard et solennel à la déliquescence du français en France et en Europe»,
conclut Paul-Marie Coûteaux.

0 Commentaire(s) :

Enregistrer un commentaire

Balises pour insérer un lien dans les commentaires : <a href="[URL]"> et </a>
<< Page principale